LA CLOCHE DE
VARENGUEBEC

 
 

Dans la nuit du marais,
une cloche fantôme
sonne son glas mauvais.
C'est la voix de la mort
qui chasse en son royaume
et qui sait notre sort.

C'est une vieille histoire
que j'ai peine à conter
sans trembler des mâchoires.
Ca s'est passé au port,
au port de Pont-l'abbé...
Maudits soient les remords !

Mais quel sonneur
tinte le glas,
tire les larmes
et sonne ainsi les agonies ?

Il était un clocher
veuf de sa seule cloche
par la guerre arrachée.
Alors, ceux du village
mirent main à la poche
pour réparer l'outrage.

De traîneaux en radeaux,
avec chevaux et boeufs
et la douleur au dos,
la cloche fut halée
des terres de Villedieu
à la Douve glacée.

Nous, à Vindefontaine,
privés de cloche aussi,
avions compris l'aubaine !
Ceux de Varenguebec
auraient le poil roussi
et la Douve dans le bec !

Le piège fut tendu
sous un saule pleureur
aux branches chevelues.
Hélas, dans la mêlée,
la cloche et ses porteurs
se noyèrent à jamais.

J'étais de ces brigands
qui ont noyé les hommes.
J'ai la mort aux tympans.
Mon crâne est son clocher.
Son bourdon y résonne.
Ma fin est annoncée.

 

© Daniel Bourdelès