C'est un frisson de
froidure
qui sourd dans les terres de Brix.
L'avez-vous suivi sous les mûres
et dans les herbes des prairies ?
Jusqu'à Néhou, l'artisane,
et puis le quai des fardeaux ?
Pots à miel, seraines et kannes,
que de terre chargée sur son dos !
Dans ses ronds dans l'eau reviennent les chants de la milloraine, les refrains tombés des gabares, les couplets perdus aux lavoirs. Tendez l'oreille : c'est vrai, la Douve chante au marais !
Suivez la Douve qui s'enfle
devant les tours de Crosville,
(Aucun port en ces lieux d'errance
gardés par des gabions vigiles)
jusqu'à l'auberge complice
assise au bord de son lit.
Le Barbey y tait ses hélices
et les fées y dînent aussi.
Suivez un très vieux brochet,
il sait le centre du monde :
c'est au grand manège des clochers,
des clochers qui font une ronde.
Beuzeville, Liesville, Carquebut,
et vous, seul sur un îlot.
Ecoutez le temps suspendu
aux fleurs des grandes patiences d'eau.
Un rat traverse à la nage
sous l'oeil d'un pêcheur tranquille.
L'Isle Marie paraît au mouillage
et la vie bien simple et facile.
Pourtant, au bout du voyage,
la Douve se glisse dans la mer.
Le Haut-Dick l'emmène à la plage
et, soudain, sa trace se perd.