MON VIEUX GABION
 

I paie pas de mine, mon vieux gabion !
C'est pas l' quatre étoiles du père Gassion !
J' m'en fous. La nuit, 
tous les gabions sont gris
sur l'eau du bas-pays !

Sur ma petite mare au bruit de source,
mes appelants bourottent sous la Grande Ourse.
Il est minuit. 
J' me saoule des jacasseries
de ma cane à long cri.

S'envolent des roselières
les chants des longs cris.
On gabionne dans les tourbières
comme au paradis !

A la lueur pâlotte de ma lampe à gaz,
j' grille une cigarette. Ca m'apprivoise.
Il est une heure.
Pas un seul voyageur.
J'ai des tics de dormeur...

J' rêve déjà de cygnes et de sarcelles,
d'eiders, de bernaches, de milliers d'ailes.
Et puis, soudain,
on s'agite dans le bain :
colverts ou bien goubelins ?

Deux hérons se posent sur le touffet.
Deux hérons... Pas d' chance, je suis refait.
Où sont passés
les chipeaux, les pilets,
les siffleurs, les souchets ?

Par dépit, j' me jette sur ma musette.
Au menu, vin rouge, pain et rillettes.
Nuit sans issue...
Je vais faire - c'est tout vu -
une bredouille de plus !

 

© Daniel Bourdelès / Groupe les Alberts - "Le silence des pluies", CD 1993.