LES CHATS DE MEAUTIS
 
 

Dame fortune ne m'a point gâté.
Mordieu, je vais vous le conter !
Ce sont malheurs qui là m'éprouvent,
moi, le capitaine des ponts d'Ouve.

Je chevauchais, faisant mon service,
près de la croix de Méautis,
quand j'avisai sur un pommier
dix chats et plus qui me miraient.

La peste étouffe
les chats errants !
Regards de soufre,
poils de satan !

Tous ces griffus aux allures chafouines
n'étaient que graines de vermine.
Ma pertuisane fit le ménage,
leur coupant du poil au passage.

Alors, un chat à demi occis,
l'oreille peut-être raccourcie,
laissa tomber parmi les pommes
un trousseau de clefs, nom d'un homme !

Remis en selle, je trottai bien vite,
riant fort des chats mis en fuite,
mais pour trouver à mon logis
porte close et femme partie.

La mort dans l'âme, assis au talus,
j'allais attendre sa venue
quand, parmi les clefs du trousseau,
je reconnus celle du château...

Las,  il vous faut ouïr vérité : 
ma femme rentra ensanglantée,
pleurant plus qu'une source en avril.
Elle m'avoua d'une voix fébrile :

"Je reviens du sabbat d'Etenclin.
Vous m'avez croisée en chemin
et blessée du bout de votre arme.
C'est d'une sorcière que pleuvent ces larmes !"


 

© Daniel Bourdelès / Groupe les Alberts - "Le silence des pluies", CD 1993.