DANS LA RUE PIETONNE

 

Je suis perdue
Dans la fourmilière de la rue piétonne.
J'ai beau chercher, je n' reconnais personne.
J'ai un peu mal à l'estomac.

Je suis perdue.
J'entends les rires et les bruits qui résonnent.
Pourquoi m'a-t-on laissée ? J'étais mignonne !
Pourquoi m'a-t-on oubliée là ?

Pas de doute, je suis abandonnée.
Une larme coule sur mon nez.
Pour un peu, je sucerais bien mon pouce
Comme un bébé, tant j'ai la frousse !

Je suis perdue.
J'attends, le dos collé contre une vitrine
Remplie de BD et de magazines.
Papa, maman, il y a urgence !

Je suis perdue.
Devant moi, un bébé perd sa tétine,
Un chien vient me flairer puis se débine,
Les gens se croisent dans tous les sens.

Pas de doute, je suis abandonnée.
Je sanglote en me mouchant le nez.
Un p'tit garçon tire la manche de son père
En m' fixant, les yeux grands ouverts.

Une rue piétonne, c'est comme un grand spectacle ! Devant elle, Petite Pomme voit passer des vêtements de toutes les couleurs, des gens qui parlent fort, des gens qui regardent leurs pieds, des gens pas pressés bousculés par des gens très pressés, des sacs en cuir, des sacs en toile, des sacs en papier avec les noms des magasins écrits dessus, des cannes, des parapluies fermés, des landaus, des poussettes, des chiens qui s'étranglent en tirant sur leur laisse, des chiens dans les bras. Non, décidément, les yeux de Petite Pomme ne sont pas assez grands pour tout voir !

Je suis perdue
Et je suis heureuse au maximum,
Quand, tout à coup, j'entends qu'on crie "P'tite Pomme !"
Mais oui, c'est la voix de maman !

"Tu as dû
Avoir très peur, ma chérie, me dit-elle,
Ca fait bien trois minutes que je t'appelle,
Mais tu es là, heureusement !"

Ouf, je ne suis pas abandonnée.
Il n'y a plus de chagrin dans mon nez.
Je serre bien fort la main de papa.
Promis, je n' la lâcherai pas !

 

© Daniel Bourdelès - "Les grosses misères de Petite Pomme", CD 2003.