YVOT DU VAL DE SAIRE
 
 

On le reconnaît aux traces de ses semelles :
c'est le plus grand pied de l'histoire du Vicel !
On dit que son rire peut effrayer un ours,
que, s'il a très soif, il assèche une source...

De la tête aux pieds, six-cent livres de chair !
Yvot le géant, Yvot du Val de Saire.
Yvot le chasseur, le coureur de futaies,
l'oeil toujours rieur et toujours aux aguêts.

Mais écoutez donc son incroyable chasse
dont on parle encore dans toutes les vallées.
Un jour, il avait fourré dans sa besace
quatorze lapins piégés dans ses collets...

Quatorze lapins, bon sang, la belle affaire !
Yvot le géant, Yvot du Val de Saire.
Pressé de rentrer ronfler sur sa litière,
il coupa tout droit à travers la rivière.

La Saire était froide et le courant très fort.
(Mais moins fort que lui, comme chacun le devine).
Son sac sur l'épaule, il gagna l'autre bord
et sortit de l'eau en s'aidant des racines.

Soudain, dans sa main, sous ses yeux grands ouverts,
Yvot le géant, Yvot du Val de Saire,
en guise de racines découvrit les oreilles
d'un énorme lièvre piégé dans son sommeil !

En criant de joie, il claqua l'animal
sur l'herbe fleurie : on vit voler les poils,
des poils, mais aussi des petites plumes grises,
et les bras d'Yvot tombèrent de surprise...

C'était deux perdrix dormant sous la bruyère,
Yvot le géant, Yvot du Val de Saire,
qu'il avait tuées en même temps que le lièvre.
Un chant de victoire s'échappa de ses lèvres !

Mais il lui fallut ôter ses grandes bottes
car l'eau de la Saire lui trempait sa culotte.
Stupeur ! Sur le sol, voilà que se tortillent
deux douzaines de truites, un brochet, trois anguilles !

Sa pouque était pleine, de quoi faire bonne chère.
Yvot le géant, Yvot du Val de Saire.
Il courut chez lui en serrant sa musette
sur son ventre rond gargouillant comme une bête.

 

© Daniel Bourdelès